(zoé) for reasons unknown

I’m building bridges that
I know you never wanted

Si tu as laissé un peu de temps à ta protégée pour se remettre de Rio, vous avez repris les entraînements il y a déjà plus d'une semaine. La laisser se reposer plus longtemps serait une erreur, elle aurait le temps de tout perdre. L'important, c'est la régularité du travail, tu l'as rendu très clair dès le premier jour et cela fait trois ans qu'elle se plie à tes méthodes sans poser de questions. Elle te fait confiance, et tu fais de ton mieux pour la pousser vers le sommet sans la briser comme on voit beaucoup -trop- de coachs le faire avec leurs athlètes. Tu as mis un point d'honneur à l'intégrer au clan Albarn, une sorte de membre honoraire, ce dont a résulté une relation forte et assez idéale. « C'est avec moi que tu devrais t'entraîner, Jamie », entends-tu derrière toi alors que la porte se referme à peine sur l'entrée de ceux avec qui vous partagez le gymnase. Tu ne les regardes pas, fixant toujours la jeune femme. « Dégage de là Ben, on essaye de travailler nous. De plus on a vu ce que ton "entrainement" donnait aux JO, on s'en sort très bien de notre côté. » Tu sais que Zoé est capable de mieux, d'ailleurs tout le monde -à part elle, visiblement- le sait. Ben est un mauvais entraîneur, plus préoccupé par son image et ses conquêtes que par l'avenir de ceux et celles qu'il est supposé entraîner. « Je parle à Jamie, je sais que t'es pas très masculin mais de là à t'identifier à elle... » Tu le sens, le sourire débile accroché à ses lèvres. Tu n'as même pas besoin de te retourner pour le visualiser, rictus moqueur qu'il te faut subir depuis six ans déjà. C'est simple, il te déteste par pur jalousie. Tu as remporté le championnat, tu l'as donc battu et le compétiteur qu'il est ne peut le supporter. Il a eu l'argent, mais ici à San Diego on a parlé que de toi, tu l'as évincé et ta fierté n'a fait qu'ajouter à son amertume. Tu pourrais n'en avoir rien à faire, mais le fait est que Ben possède certaines qualités qui te font défaut et que tu es toi-même jaloux de lui. Depuis plus longtemps qu'il ne l'est, d'ailleurs. Vous vous connaissez depuis le lycée, et avant le championnat il était meilleur que toi en... absolument tout. Somme toute, c'est un con arrogant, pas une grande perte dans ton entourage et puis surtout très habitué au fait d'avoir des ennemis. On dirait même que cela lui plait. « Ta gueule, on sait que t'es toujours frustré que Zoé ait perdu mais si tu l'entraînais plus que tu ne te la tapes ça porterait probablement ses fruits alors hop, pas de temps à perdre, votre salle est juste là. » Tu désignes d'un geste vague la salle adjacente, toujours sans t'être une seule fois tourné vers Ben et Zoé. Jamie se tient toujours face à toi, et tente un sourire désolé à son adversaire. Elle a tout autant que toi Ben en horreur, mais bien que Zoé soit sa rivale elle est bien trop gentille pour se montrer aussi dure que Ben et toi l'êtes l'un envers l'autre. Elle n'a pas véritablement de raison de ne pas aimer la blonde, en particulier depuis qu'elle a remporté l'or aux Jeux Olympiques.

For reason unknown

Heathcliff & Zoé

Je pense que le moment est venu de vous dire ce que j’ai appris, d’en tirer une conclusion, non ? Et bien ma conclusion c’est que la haine est une saloperie ! La vie est trop courte pour passer son temps à avoir la haine ! Ça n’en vaut pas la peine.

Appuyée contre le chambranle des toilettes du gymnase, je tiens mon téléphone dans ma main pour envoyer mon message. « Je n’ai pas envie d’y aller. Je déteste ce que je fais. » Ce message, j’aurai pu l’envoyer à mon supposé petit-ami. Petit-ami car nous entretenons une relation virtuelle mais à la place, je la poste sur ce forum. Ce forum où je me suis inscrite pour parler de mes idées noires. Je ne sais pas d’où cette idée m’ait venue, sans doute d’un téléfilm mais en parler me faisait du bien. Le planifier me faisait du bien. Regarder un peu ma vie. Victime d’harcèlement scolaire, on a dû me retirer de l’école et je me suis prise de passion pour la gymnastique. Cependant, j’en suis venue à détester ce que je faisais. Si bien que j’ai décidé de perdre. Une simple erreur. Une simple petite erreur et j’ai décidé de perdre. Bien sûr, j’aurai pu aisément l’emporter sur ma rivale mais j’avais choisi de la laisser gagner et elle le savait. D’ailleurs, la porte des toilettes s’ouvrit et je rangeai précipitamment mon téléphone dans ma poche tandis qu’elle me salua. Je lui rendis sans pour autant me montrer souriante. Mon sourire, je le perds petit à petit au contact de Ben. Ben qui amplifie les rumeurs comme quoi il coucherait avec moi. Rumeurs infondées quand on sait que je suis encore vierge. « Ben te cherche. » Entendu. Je sors alors mes petits bracelets spongieux pour les mettre à mes poignets. Habitude que j’avais depuis quelques temps. Pour masquer mes balafres. J’arrive donc dans la salle tandis qu’il s’approche de moi pour m’empoigner le bras. « Qu’est-ce que tu fous ? Tu te regardais dans le miroir ? » Il me balance limite à travers la pièce sous les yeux de son rival. Je ne dis rien. A vrai dire, je pense même qu’Heathcliff n’a jamais entendu le son de ma voix. Je ne parle jamais durant mes entrainements. Même à Jamie qui essaie pourtant de me causer. J’ai beau sourire, être soi-disant lumineuse. Mais je ne parle pas. Alors, je me contente de regarder la rixe entre les hommes tandis que quelque chose tique en moi. Je n’en peux plus. C’est simple, je n’en peux plus. Je suis plus âgée que Jamie. Et contrairement à elle qui est plate comme une limande, j’ai des formes que je cache avec des méthodes barbares. « Ta gueule, on sait que t'es toujours frustré que Zoé ait perdu mais si tu l'entraînais plus que tu ne te la tapes ça porterait probablement ses fruits alors hop, pas de temps à perdre, votre salle est juste là. » Je serre alors les dents et j’attends que Ben rétorque quelque chose. « Moi au moins, je couche avec des filles. J’ai du succès auprès des dames. Pas comme toi, avorton. » Ploc. Je la sens tomber. La goutte d’eau qui fait déborder le vase. Alors je me mets à hurler. Un hurlement strident qui pourrait casser des verres. On appelle ça, péter un câble. Un burn out. Dans ma folie passagère, je m’approche de Ben à qui je décoche une droite monumentale. La douleur m’élance mais pas à cause du coup de poing, non. A cause de mes balafres. Je sens les plaies qui s’ouvrent à nouveau. Qu’on les remarque, je m’en tape. « Tu ne couches pas avec moi, Benjamin ! Que tout le monde l’entende, mon hymen est intact. JE SUIS VIERGE. MERDE. » Puis, je m’approche de son rival. A peine plus grand que moi. Même pas une tête et je le fixe de mes yeux océan. Puis, je lui décoche un coup de pied dans le tibia. « Vous ne valez pas mieux l’un que l’autre bande de connards décébrés. Oh et Jamie, sois heureuse d’être la dernière pratiquante de GRS de la région. Je démissionne. » Puis, j’attrape mon téléphone pour aller me réfugier dans les toilettes. Là, j’ouvre la trousse et j’en sors une lame fine. J’en ai besoin. Je sais que c’est mal. Mais j’en ai besoin. Alors, je retire le bracelet spongieux et j’entaille finement mon poignet gauche pour laisser couler les quelques gouttes de sang dans le lavabo. Je n’entends pas la porte qui s’ouvre derrière moi, juste le ploc des gouttes qui tâchent la surface blanche du lavabo. Une larme coule sur ma joue tandis je relève la tête pour croiser un regard familier. « Ça va ? Tu te délectes du spectacle que tu vois ? »

Made by Neon Demon

Ne réponds pas à la connerie par la violence, du calme. Cela te démange, mais tu ne mets miraculeusement pas ton poing dans le visage de Ben lorsqu'il met en avant son succès auprès des femmes. Au fond, ça, tu t'en tapes, mais c'est son sourire débile qui te met sur les nerfs, sa stupide fierté que t'aimerais lui faire ravaler. Il est on ne peut plus con, mais effectivement il a du succès, auprès de celles qui ne cherchent pas un cerveau. Auprès de celles qui se laissent berner. Et tu te demandes comment Zoé a pu se laisser avoir. Enfin, avant de comprendre que ce n'est pas le cas. Elle se met d'abord à hurler, comme si elle pétait les plombs, au point que tu plaques machinalement tes mains sur tes oreilles. Mais qu'est-ce qui lui prend ? Et puis, révélation: il n'y a rien entre eux. Rien de ce que tu crois, rien de ce qu'il laisse penser. Sa connerie monumentale ne fait que se vérifier, ainsi que le fait qu'il n'en a strictement rien à faire de son athlète. Un bon entraîneur aurait immédiatement démenti, que ce soit vrai ou non. Mais en plus, c'est faux. Tout ce qui lui importe, c'est sa propre réputation. Entretenir le côté tombeur. Très impressionnant -on sent l'ironie ? Zoé lui met un coup, et tu ressens quasiment la même satisfaction que si tu l'avais fait toi-même. Très, très, très brièvement puisque tu as toi-même droit à un coup, plus léger évidemment. Et ça fout un coup à l’ego, t'entendre dire que tu ne vaux pas mieux que Ben. Ça fout un coup, mais ça réveille, et tu en oublies rapidement ta vive douleur au tibia pour la regarder partir, démissionner aussi sec. A bout, comme tu as pu l'être, comme beaucoup d'athlètes finissent pas l'être. Jamie esquisse un geste pour la poursuivre, mais tu la rattrapes par le poignet. « J'te dis bravo, Ben. T'es encore plus con que ce que je pensais. » Tu t'éloignes en direction des toilettes afin de rejoindre Zoé toi-même, te retournant brièvement pour le pointer du doigt. « Jamie, tu lui adresses pas la parole ma belle. » La jeune fille hoche la tête, allant se réfugier dans les vestiaires pour se changer, comprenant que l'entraînement est fini pour aujourd'hui. Tu ne prends pas la peine de frapper, tu pénètres dans les toilettes des filles et découvres Zoé, le bras en sang au dessus d'un lavabo. Vos regards se croisent, tu ne réponds pas. Tu t'approches et attrapes une serviette pour éponger le sang. « Te laisses pas abattre par tout ça. » Concentré sur son poignet, tu ne relèves pas une seule fois les yeux sur elle tandis que tu vérifies que le sang a cessé de couler. Tu te sens coupable. D'un côté, tu l'es probablement un peu. « Quand des cons disent n'importe quoi, les écoute pas. Surtout quand il s'agit de Ben et moi. On sait même plus trop pourquoi on se déteste, Jamie et toi vous êtes prises entre deux feux. » Tu lèves finalement les yeux, croisant alors son regard. « Je suis désolé. Tu devrais pas t'infliger ça, faut plaquer tout ce qui te met mal, pas te faire encore plus de mal. »